Le Dessin, La Pastel, La Peinture
En abordant la feuille blanche ou de couleur avec la plume, le pinceau ou le crayon, on se retrouve comme un écrivain devant sa feuille blanche. Par où commencer ? Qu’allons-nous faire émerger de nous-même de ses lignes plus ou moins entremêlées, plus ou moins organisées ? « Je ne sais pas dessiner » disent souvent les personnes, ou « ça fait longtemps que je n’ai pas eu de crayon dans mes mains ». Un dessin est une construction de lignes qui se rassemblent suivant un schéma une structure, un plan. Les espaces entre les traits permettent une respiration, un rythme ; ils permettent au regard de déambuler, de se promener dans l’espace créé sans se « cogner ».
Le dessin forme un tout avec ses matières : pastel, peinture, encre, ses feuilles de papier aux textures diverses, sa composition…
Mon accompagnement est personnalisé. Je peux proposer un travail initiateur à partir d’un modèle pour donner un support à des personnes qui craignent de ne pas avoir d’idées. « Copier » devient une étape sécurisante pour mieux se rencontrer, pour faire davantage confiance à l’art thérapeute, à mon regard, à mon accompagnement plus ou moins actif. La forme copiée peut dévier en cours de travail et se transformer. Une autre forme plus personnelle peut émerger.
La feuille de dessin peut se partager en différentes cases pour créer une bande dessinée ou un livre illustré : des dessins racontent une histoire, des sujets s’animent, évoluent et se transforment de case en case, comme un enfant, un adolescent, un adulte qui grandit, un personnage qui traverse des obstacles, des intempéries émotionnelles… à travers une forme de voyage initiatique.
Ce dispositif me paraît approprié pour les adolescents qui ont souvent dans leur environnement des bandes dessinées, des mangas, des jeux vidéo ; ce qui donne des éléments sur leur vie imaginaire et des supports à une histoire graphique. Pour les enfants, les livres illustrés sont plus intéressants pour les faire cheminer un conte.
J’utilise le squiggle en m’inspirant de celui de Wininicott (pédiatre et psychanalyste anglais) couramment au sein de mes ateliers individuels avec l’enfant ou l’adolescent, voire l’adulte. Je l’ai modifié, transformé en y ajoutant des mots, des couleurs et des matières : feutres, pastels, crayons de couleur pour se rencontrer
La personne et moi-même traçons chacun notre tour, des traits pour composer une forme relationnelle : des traits à grossir, amincir ou/et à échanger. De cet amalgame de traits de couleurs plus ou moins épais émergent des formes plus ou moins représentatives qui s’entremêlent, s’organisent. Une histoire peut se raconter. C’est un jeu graphique et ludique qui dynamise une créativité partagée, et qui permet la rencontre
Pour les enfants, j’utilise surtout des silhouettes représentant le corps humain. Elles peuvent être de différentes tailles, différentes positions. Les enfants peuvent les recopier, et s’en servir comme modèles, comme supports pour créer un personnage ou un groupe de personnages. Ils peuvent les coller sur une autre feuille et raconter son histoire en y projetant leur propre famille et leur place au sein de celle-ci. Ensuite, on peut faire évoluer cette silhouette en marionnette, en la consolidant et en y ajoutant un bâton scotché à l’arrière et en l’enveloppant de tissu.
Je travaille la silhouette différemment en dessin le contour du corps de la personne sur une grande feuille de papier apposée au mur, c’est proposer à une personne de travailler l’intérieur et l’extérieur : les limites de son corps et de l’environnement qui l’entoure. Des matériaux et des techniques peuvent s’y associer : collage, peinture, tissu, couture.
Le Collage, L’Assemblage
Qu’est-ce qu’un collage ? C’est le plaisir de jouer avec des objets, des images découpées, déchirées, des matières diverses : papiers, tissus, ficelles, bouts de bois, perles, sable, morceaux de miroir, etc. Le principe est de faire vivre ensemble des matières qui ne semblent pas avoir de lien, de transformer leur forme, de les ajuster, de composer une autre « image », de (re)créer une histoire plastique, une œuvre à part entière. C’est une pratique d’expression créative que chacun peut exercer sans technique préalable.
« Ces emprunts disait Paul Klee, sont comme des briques avec lesquels l’architecte construit sa maison. »
Le collage développe l’imagination, libère les tensions, détourne les résistances et diminue le contrôle intellectuel. Il sollicite l’inconscient et procure ainsi une plus grande liberté créative. Jouer avec des images, des matières, des mots assemblés, c’est « jouissif » disent les jeunes, c’est transgresser les interdits. Le travail autour des images révèle et fait surgir (ou ressurgir) des souvenirs, des images du passé, des ressentis, des émotions… Il permet un travail d’extériorisation, de comparaison, de transposition, d’expression. Entre présentation et représentation, les images engagent toute l’énergie de la créativité de la personne et de l’art thérapeute qui accompagne.
Le Modelage
Modeler, c’est dessiner en intégrant la troisième dimension à sa façon. La matière terre s’apprivoise par le toucher : caresser, lisser, battre, taper, écraser, serrer, rouler, creuser, éponger, humidifier. Les gestes peuvent être tendres, violents et constructifs : assembler, tourner, monter, déplacer, façonner. La terre auto durcissante offre une grande liberté : les personnes n’ont pas à se préoccuper des aspects techniques (éviter les bulles d’air, creuser les pièces à cuire pour éviter qu’elles n’explosent ou se fendent à la cuisson) leur évitant ainsi des angoisses de destruction.
D’autres matériaux sont modelables, en dehors de la terre : La pâte à bois, Le grillage, Les bandes plâtrées, Le papier encollé, Le papier scotché.
Le modelage de la terre permet de :
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réveiller la sensorialité et faire ressentir les formes, comme si la terre vivait et communiquait avec nous,
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dynamiser, redonner de l’énergie, du désir, de la créativité,
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soulager les tensions internes,
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prendre plaisir à toucher, palper, pétrir, barbouiller, enduire, se salir pour ensuite élaborer une forme.
La Mosaïque
L’activité mosaïque est une activité manuelle structurante et créative qui peut se comparer au collage. Elle sollicite la personne à créer une image à partir de morceaux (tesselles). L’œuvre se fait en plusieurs étapes : choisir un support, des tesselles, le joint… cette technique Favorise la détente, le plaisir, la découverte, restaure des centres d’intérêts d’activités artistiques. Les activités manuelles sont souvent appréciées comme un dérivatif aux pensées, elle canalise une grande énergie, excitation, agressivité.
La Couture, Le Tricot, Le Tissage
Les tissus, comme la laine et les fils, sont des matériaux mous, malléables, qui peuvent envelopper tous les supports, contrairement au bois, au carton et à la terre, plus rigides. J’utilise ces matériaux comme enveloppe sur des supports en grillage, en carton ou pour des masques et des marionnettes.
Tissage de Falbala : cadre en bois, clous, laine mélangée avec du coton pour la trame, laines de différentes textures et de différentes couleurs enroulées sur des navettes en carton…
Coudre, tricoter, tisser, c’est créer des liens, des joints, point par point, maille par maille. Par un geste répétitif qui peut durer des heures, des semaines, des mois, la personne « dégage sa conscience » ; elle coud, brode, tricote des mots, des virgules, des points, des verbes des souvenirs, des images.
Tous ces matériaux (laines, ficelles, fils, tissus, dentelles, broderies…) s’utilisent de diverses façons.
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Ils se collent sur du carton pour créer un paysage en relief.
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Ils entourent ou lient différents matériaux, enveloppent une forme en grillage comme la peau d’un masque par exemple.
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Ils peuvent être cousus ensemble, pour créer des patchworks, des vêtements, des couvertures ou la peau d’un monstre.
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Ils recouvrent une boule de polystyrène pour créer une tête en formation.
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Ils se tricotent pour créer une écharpe, un gilet, une robe pour une marionnette.
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Ils se tissent pour créer la robe d’une marionnette, la peau d’un masque, d’un corps…
Le Masque
En se situant entre les arts plastiques et les arts de la scène, le masque comme la marionnette a donc une place privilégiée, ambiguë et mystérieuse qui leur confère une grande variété d’utilisation dans notre société. Cette technique m’a particulièrement intéressée dans le cadre de mon travail avec les adolescents, des êtres en transformation, éveillés à de nouveaux désirs et questionnés au plus profond d’eux-mêmes sur leur identité. En revêtant un masque, l’adolescent s’autorise une autre identité, il peut cacher, camoufler mais aussi proclamer, révéler, désigner. Le masque est un outil privilégié pour travailler sur des limites particulièrement confuses chez l’adolescent en remaniement psychique et en transformation physique, en quête d’identité.
Le moulage du visage en bandes plâtrées : Je propose de créer un visage d’après l’empreinte plâtrée du visage, puis de le transformer, pour lui construire d’autres limites, une autre forme, un autre « Moi ». La technique du moulage est facile à approprier. La pose des bandes est reposante, voire relaxante ; elle peut aider la personne à se recentrer sur elle-même.
La forme du visage peut aussi se modeler dans du grillage puis le grillage est recouvert de papier encollé et/ou de bandes plâtrées ou autres matériaux (laine, tissus…), qui précisent les expressions ou l’enveloppe sensorielle. C’est un masque qui ne peut pas être mis sur le visage car il est inconfortable, voire blessant. Il peut s’utiliser comme une marionnette, à distance du visage, posé sur une table ou sur une autre partie du corps.
Le jeu masqué : La personne écrit la carte d’identité de son personnage, décrit son caractère, ses comportements, ses origines, des désirs, son espace de vie, en un mot, son histoire. Ce sont des supports pour le jeu scénique. La description en mots du personnage suscite un détachement de la personne par rapport à son œuvre. Ce mécanisme l’aide à jouer. Le dispositif d’improvisation et le port du masque contiennent et canalisent l’afflux énergétique et émotionnel du comédien et du masque. Le masque médiatise la relation, permet d’expérimenter d’autres modes de relation, d’autres modes d’expression.
Les fonctions du masque : Le masque recouvre le visage comme une seconde peau, c’est une enveloppe qui protège et révèle certaines facettes de la personne. Je fais un rapprochement au concept du « Moi Peau » de Didier Anzieu.
La Marionnette
Je me suis intéressée à la création de la marionnette pour la construction du corps : ses articulations, ses formes, ses expressions et l’utilisation de différents matériaux, les différentes techniques, l’équilibre, l’orientation… La marionnette nous oblige à nous questionner sur notre propre corps : sa fabrication, sa gestation, son fonctionnement sur la vie. C’est un objet artistique passionnant qui permet de se confronter à plusieurs techniques artistiques et artisanales : sculpture, modelage, bricolage, peinture, couture, théâtre…
Le travail autour de la marionnette s’adapte à tous les publics, à leurs capacités et à leurs difficultés. Bâtir, structurer, organiser un corps permet de jouer avec des matières, des mouvements psychiques, la sensorialité et les émotions. Par ses formes sa capacité à s’animer, elle offre un espace de représentation.
Je me suis autorisée à modifier certaines techniques classiques apprises auprès d’une marionnettiste sculpteuse tchécoslovaque. J’ai inventé d’autres formes de marionnettes pour les adapter aux personnes aussi bien enfants, adolescents, adultes en souffrance. J’utilise toutes sortes de matériaux de récupération, du carton, du bois, du grillage, des boules de polystyrène, des tubes en carton pour le volume du corps, des tiges de bois pour confectionner une architecture corporelle et…
Comme toute œuvre artistique, la marionnette participe à la création du monde, la création d’une histoire qui commence par celle de notre corps. Elle devient un support identificatoire et narcissique intéressant notamment pour :
- des enfants en manque de repères, de limites au sein de leur propre famille,
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des adolescents blessés, bloqués dans un corps en pleine transformation qu’ils reconnaissent à peine, un corps bouleversé par la pression pulsionnelle à apprivoiser,
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des adultes en souffrance dans leur corps qui manifestent leur conflit, leur blocage, leur souffrance par des troubles physiques invalidants : mal de dos, ulcère, eczéma…
La fabrication d’une marionnette a donc un rôle sur « l’image du corps ; ce qui renvoie à la structure de notre espace corporel, à la géographie intime qui s’élabore au fur et à mesure de nos investissements, de nos ruptures, de nos plaisirs. La marionnette devient un lieu de projection de l’idéal du Moi, un espace de projection des inquiétudes, des conflits...
Réparer, restaurer, transformer un corps plus ou moins satisfaisant, c’est restaurer l’image narcissique de soi-même, restaurer la communication avec soi, investir son corps et en prendre soin. Représenter un espace corporel permet d’organiser son espace psychique, son appareil à penser les pensées, les émotions. Prendre la parole à travers la marionnette permet d’élaborer son langage, explorer d’autres modes de communication.
La marionnette nous oblige à nous questionner sur propre fonctionnement corporel.
Le Théâtre
Le théâtre est un art de la représentation (représentation symbolisante), de la communication et de la transformation. Il nécessite de théâtraliser, déréaliser, projeter, décoller du quotidien mais aussi de se dédoubler, se distancier et surtout jouer avec soi-même et l’autre. Pour rendre ce passage possible, moins angoissant et douloureux, j’insiste sur un cadre contenant et sécurisant, toujours ludique, créatif source de plaisir et de liberté : le travail du corps, le jeu des personnages et les dispositifs d’improvisation accompagnent le passage de la réalité à la fiction, à l’illusion théâtrale. Rien n’est figé, tout est questionnement, évolution, transformation, création.
Il n’est pas toujours évident de se (re)mettre à jouer quand on n’est plus un enfant, quand on est un adolescent pressé de devenir un adulte, ou quand on est un adulte envahi de responsabilités. On nous demande d’être des hommes et des femmes responsables, sérieux, créatifs… beaucoup moins des joueurs.
Un échauffement corporel, sensoriel, émotionnel, relationnel et imaginaire : Bâtir, structurer, organiser un corps permet de jouer, de faire jouer des matières, des mouvements psychiques, des mouvements sensoriels et émotionnels, enfin de bouger, de s’animer. Un corps est un espace de représentation comme l’espace scénique qui a besoin de se délimiter, de s’organiser pour que le jeu entre personnages dramatiques et situations théâtrales se représente. Le travail théâtral commence par un travail d’échauffement corporel qui dynamise les sensations, les processus de création, les postures, les modes d’expression, la mobilité, ce qui permet aux comédiens amateurs ou professionnels d’acquérir une boîte à outils (un coffre à jouets rempli d’outils ludiques).
La représentation marque l’aboutissement d’un travail de création, en se confrontant à d’autres regards. Ce travail permet aux comédiens amateurs une revalorisation et une appropriation des différentes facettes d’eux-mêmes découvertes durant l’année. Il s’agit de réinjecter du sens dans leur vie personnelle et sociale, de faire qu’ils existent en tant que sujet. Même si cette situation n’est que temporaire, ils en vivent l’expérience.
“L’art fait revivre des expériences au niveau de l’archaïque par effets de résonance, c’est un des chemins pour résoudre un problème inexprimable verbalement, l’artiste donne une réponse à ses problèmes élaborés directement à partir de corps.”, Michel Ledoux dans son ouvrage « Corps et Création », Edition les belles lettres
L’Ecoute Musicale Analytique
Dans les ateliers d’écoute musicale analytique, les jeunes et moins jeunes ne créent pas d’œuvres (à proprement parlé). Après avoir écouté une œuvre musicale, je les incite à créer des images, des ressentis, etc…
L’écoute musicale touche au primaire, au sensoriel, au corporel, au plaisir/déplaisir, au désir, à la séduction, à l’affectivité du sujet, aux premières expériences de vie… Elle se révèle un formidable outil thérapeutique et un véritable outil de création : c’est un moyen de passer de l’écoute à la parole, en passant par la création d’images et la représentation d’un scénario. C’est un premier pas vers l’échange avec les autres et l’expression du ressenti.
Le Conte
Les contes et ses mythes sont très présents dans ma pratique, que ce soit avec les enfants, les adolescents (les jeux vidéo sont une nouvelle forme de contes qui s’inspirent des mythologies) ou bien les adultes. Ils invitent le fantastique, le monstrueux et le merveilleux dans l’espace des ateliers. Ils nourrissent l’imaginaire des productions en cours ; ils ouvrent sur un ailleurs. Toute fiction est une forme plus ou moins détournée du conte. Le choix des contes bien entendu, est à adapter pour chaque public.
Lire des contes à des enfants, des adolescents ou des adultes leur permet de :
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Découvrir des structures narratives et des trames à jouer,
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Nourrir l’imaginaire. Quand je dessine et fabrique des marionnettes avec des enfants ou des adolescents, j’évoque des contes, des mythes pour stimuler leur imagination, donner forme (et sens) à leur personnage et à leur histoire.
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Représenter et créer des espaces, des lieux, des ambiances fantastiques, donner des outils pour rêver et créer des images.
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Créer une chronologie, situer l’histoire dans le temps avec un avant, un après et un présent.
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Créer des personnages avec des capacités plus ou moins extraordinaires,
- Donner accès à des métaphores.
L’écriture d’un conte : Les contes (à illustrer), les lettres (à envoyer ou pas), les scénarii (à mettre en scène), les histoires (à élaborer) accompagnent régulièrement la production des personnes que je reçois à l’atelier. Un collage, une peinture, un masque, une marionnette, une fresque collective avec des enfants initient une histoire plastique qui peut évoluer en conte.